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30 mars 2008 7 30 /03 /mars /2008 16:10
Richard frappa. Il entendit un frôlement derrière la porte.

 

- Alors, la belle ! Tu...

 

Il se figea. Dans la lumière précieuse du feu de bois, la jeune femme était devant lui et le regardait. Le saphir flambait dans ses yeux, ses yeux d'étoiles semées, de métal, d'or bleu. Le vent mêlait, dans ses cheveux, l'ombre de l'ébène à la braise du blé.

 

- Messire ?

 

Sa voix, mésange de cristal, se posa sur ses doigts et éclaira sur son visage le nuage d'une source, l'énigme d'un miroir. Elle était belle. Son corps était soleil, forêt et verger, fleuve en fusion et glacier dans le soir. Sa majesté naissait de sa tendresse et sa tendresse de sa beauté.

 

- Messire ?

 

Elle aussi l'admirait. Le visage tanné de ce géant barbu au poil si noir s'illuminait d'un regard clair, intense... et stupéfait. Etait-il beau ? Ce n'était même pas la question pour l'instant. Une tempête cognait dans sa poitrine. Une tempête se déchaînait au plus profond de son ventre, une tempête plus forte encore que celles qui secouaient sa maison à l'automne. C'était doux et acide, sauvage et tendre, douloureux, admirable, magique et mystérieux, indomptable comme toutes les tempêtes.

Richard sortit de sa fascination.

 

- Madame, veuillez me pardonner. Nous nous sommes égarés et le baron... enfin... mon ami... oui, voilà, mon ami James m'a dit que vous ne souhaitiez pas...

 

- Votre ami aura mal compris, Messire...

 

- Cela ne m'étonne pas, Madame ; le pauvre vieillit depuis quelques temps !

 

- Non, c'est moi, sûrement, qui me sera mal fait comprendre. Je lui ai dit que ma maison était trop petite pour accueillir trois personnes à la fois. Mais, si deux d'entre vous pouvaient loger avec les chevaux dans l'écurie, vous ... enfin, le troisième pourrait dormir sur un lit de fortune que je dresserai dans la grande salle, près du feu.

 

Richard, sous le charme de sa voix, réagit encore avec quelques instants de retard.

 

- Madame, nous ne saurions vous déranger.

 

- Ce n'est point dérangement, Messire. Mon père prenait l'hospitalité pour la plus haute et la première des vertus ; je ne pourrai déroger à ce principe sans trahir sa mémoire.

 

- En ce cas, Madame...

 

Une rafale de vent fit claquer un volet sur le côté de la maison.

 

- Si nous entrions, Messire, nous risquons de prendre froid, ici.

 

Richard pénétra dans la grande salle. La porte fut refermée. Ils se regardèrent sans mot dire.

 

 

 

 

 

Dans la nuit noire, Blondel et James avaient vu la porte se fermer.

 

- Et bien ? Et nous ?

 

- Le roi est dans la place, Baron, et lorsqu'il investit une forteresse, même les Arabes s'y cassent les dents !

 

La porte se rouvrit. Richard leur fit signe d'approcher.

 

- Vous dormirez avec les chevaux, dans l'écurie. Prenez ce jambon et ce cidre. Bonne nuit. A demain.

 

- Bonne nuit, Sire.

 

Richard fit une grimace en faisant un geste de la main.

 

- Non, pas Sire, idiot, pas Sire

 

Puis, plus haut.

 

- C'est ça, c'est ça, bonne nuit, mes amis.

 

Déjà le roi s'en retournait.

 

- Richard !

 

- Quoi, Blondel ?

 

- Tu lui as demandé où était le port ?

 

- Le port ? Quel port ? ... Ah oui… Non… On verra cela demain.

 

- Bonne nuit Richard.

 

- C'est ça, bonne nuit, Blondel.

 

La porte se referma sur lui.

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