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23 janvier 2011 7 23 /01 /janvier /2011 22:55

Les vagues qui viennent mourir sur la plage

Froissées par le vent, sont les pages

D’un livre d’où s’échappent des mots d’écume

Allant se perdre dans les dunes.

Avec ces mots égarés, le ressac

Ecrit une histoire

Que les soirs d’équinoxe,

Il lit à la lune et aux étoiles.

Ecoute là : elle est belle, elle est triste

Elle est éternelle…

C’est une histoire de mort,

C’est une histoire d’amour

C’est ton histoire

Et c’est aussi la mienne

§§§§§

La nuit est tombée sur la grève emperlée de pluie. Il ne reste au dessus de l’estuaire qu’une tache de soleil accrochée aux rochers, une tache de sang que le vent ne peut effacer juste derrière Cordouan.

Tu es seule, assise sur un rocher, immobile et invisible, arrivée comme chaque soir, un peu avant le crépuscule pour repartir à l’aube, seule et blême de fatigue. Tu regardes la tâche de soleil comme il y a 6 mois tu regardais, là-bas, cette voile rouge, minuscule, effleurant les vagues et les récifs.

Quel cauchemar quand soudain la voile aspirée par le ressac, a disparu sous le phare … Les baigneurs, tout autour, insouciants, insensible à tes cris… et cette sirène qui, soudain, déchire la plage figée. Ces hommes en bleu courant à leur bateau qui rentreront, tard dans la nuit, l’un après l’autre, vide, et ces hélicoptères, au bruit de guêpes affolées, fouillant les ténèbres de leurs phares livides, cyclopes impuissants tournant en rond sur l’estuaire…Et toi, toi qui sais déjà, qui refuse la piqure du médecin et le retour sous la tente, redoutant de voir son duvet, vide et froid…

 

Tu n’as jamais voulu rentrer chez toi, t’éloigner de ce rivage, qui, un beau jour d’été, à lui, t’arracha… Alors, chaque nuit, tu es là, défiant du regard, l’océan qui jamais, son corps, ne t’a rendu. Oui, chaque nuit tu es là, tu ne sais même plus pourquoi car jamais il ne reviendra, ruisselant de lumière comme autrefois, pour venir se précipiter dans tes bras.

Ni la vie, ni la mort ne veulent de toi ; tu es sur la frontière, tu ne sais plus où aller, ni que faire. Ni la vie, ni la mort ne veulent de toi, apatride, étrangère sur cette Terre, solitaire. Alors, chaque nuit, tu es là…

§§§§§

C’était une nuit froide, gelée, glaciale. La mer était un bloc de métal et l’estran, une plaque de mercure. La lune, ce soleil des fous, brillait, boussole noctambule montrant à ceux qui savent lire dans le labyrinthe du destin, un chemin, une issue possible. Tu étais là, sentinelle de l’inutile et tu ne l’as pas entendu venir. Elle a mis la main sur ton épaule. Tu as levé la tête. Elle était là, devant toi,

C‘était une vieille femme au visage ridé par le chagrin. Tu l’as suivi. Vous avez traversé la ville dans la lumière bleue de l’hiver. Le cimetière était un port dont les tombes, barques immobiles, dérivaient dans l’obscurité, sur des rêves impossibles. Elle s’est arrêtée devant la plus vieille d’entre toutes ; Un nom, deux dates et un portrait, usé par le soleil, la pluie et le vent, enchâssé dans le bois d’une croix.

« Il avait 22 ans ; c’est lui qui m’a faite femme et s’il ne m’a pas fait mère, c’est que nous n’en avons pas eu le temps… mon plus grand regret car je l’aimais, oh mon dieu oui je l’aimais… autant que je l’aime encore aujourd’hui… on devait se marier à son retour ; mais il n’est jamais revenu, sa barque a chaviré et la mer ne m’a jamais rendu son corps »

Désignant de la tête, la tombe, elle ajouta en murmurant :

« Il n’y a personne là-dessous ; juste son souvenir. Comme toi, je ne voulais plus vivre mais je ne savais pas mourir… j’errai et des deux, le fantôme, c’était moi. »

Il y eu une gifle de vent venant du large comme si l’océan n’était pas content.

 « C’est mon grand père qui est venu me parler, doucement, comme il savait si bien le faire quand j’étais enfant. Il m’a dit : « Arrête cela, arrête cela si tu tenais à lui autant que tu le dis ; il ne voudrait pas cela ; Vie, accroche toi…Ce n’est pas encore le temps pour toi de le rejoindre. Fais comme les autres : Trouve un mari et soit loyale avec lui ; fais lui des enfants, élève les bien comme tu aurais élevé ceux de ton marin. Et quand le temps sera venu, alors seulement, tu le rejoindras» Mon grand père est mort le lendemain. Je lui ai obéis, je me suis marié et j’ai eu 5 enfants… Mon mari est mort voila deux ans et mes enfants sont élevés alors, aujourd’hui, j’attends…je l’attends»

Un nuage passa devant la lune, plongeant le cimetière quelques instants dans l’obscurité

 « Ai-je aimé mon époux ? Oui, bien sur, naturellement, mais … Ai-je été heureuse ? Je ne me plains pas… j’ai toujours mangé à ma faim, j’ai une belle maison et de beaux enfants… mais…

Elle inclina la tête en regardant la tombe…

« Mais chaque jour, que Dieu fait, tu entends, chaque jour, je pense à lui… Jamais on oublie, tu verras, jamais … c’est impossible. Avec lui, c’était la magie, le rêve, une présence et une attention de chaque instant… il a toujours été avec moi, toujours …comme une ombre qui m’accompagne, comme un sortilège. Ce n’était pas juste pour mon époux mais si, brusquement, il était, par miracle, … revenu, j’aurai tout laissé, tout, maison, enfants… tout… sans hésitation et je l’aurai suivi comme au premier jour…mais, hélas, de là où il est, jamais on ne revient»

Alors, elle t’a pris la main et a murmuré : Fais comme moi… si, vraiment, tu l’aimais, fais comme moi : accroche toi »et la vieille dame s’est éloignée dans la nuit.

§§§§§

Le lendemain, du fond de mon caveau liquide, j’ai entendu le glas qui sonnait au clocher de l’église et comme les morts savent tout, j’ai su que la vieille dame venait de rejoindre son amour et comme les morts voient tout, j’ai vu que tu étais restée pour assister à son enterrement. Elle repose maintenant pour l’éternité à coté de son marin. J’ai vu aussi que juste à coté tu avais fais construire une tombe, vide, pour moi, en souvenir de moi. Puis, tu as pris le train pour revenir, là bas, chez toi, pour reprendre ta vie là où tu l’avais laissée.

Je sais aujourd’hui que les mort ne sont pas jaloux car, dans quelques semaines, tu va rencontrer un brave gars, un vieil ami à toi, qui t’aimes, avec qui, dans quelques mois, tu vivras et qui bientôt t’épouseras… je ne veux pas savoir s’il te fera des enfants…

 

Non, la seule chose que je veux savoir

Quand je me laisse dériver

Dans le courant, entre deux eaux,

Dans la lumière d’émeraude du soleil,

C’est qu’à chaque instant,

Dans ta vie de femme,

Dans ta vie de mère, peut être,

Tu penses à moi…

Et que moi, loin de tout cimetière,

Je t’attends aujourd’hui,

Comme je t’attendais hier…

Et bien sur demain…

 

                                                                                                                                                            Last Irokoi © 2011

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commentaires

M
<br /> <br /> Quelle joie de retrouver tes si beaux textes !Cela fait si longtemps !<br /> <br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> La mort, ce n'est rien pour celui qui s'en va ...<br /> <br /> <br /> cela peut être trop pour celui qui survit,<br /> <br /> <br /> et pourtant il faut vivre comme si de rien n'était ...<br /> <br /> <br /> comme toujours, je me sens bercée dans les vagues douces et chaudes que tu me donnes à lire ...<br /> <br /> <br /> amitié .<br /> <br /> <br /> <br />
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