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12 décembre 2008 5 12 /12 /décembre /2008 19:36

Honfleur est toute bruissante de vent et de givre depuis ce matin. C’est l’hiver et, avec le verglas et les bourrasques, le froid qui me glace la poitrine et me fait tousser s'est installé.


Je suis une vieille femme aujourd’hui, mais rien, ni le mauvais temps, ni les douleurs de mon dos, ne m’empêcheraient de faire, après déjeuner, la promenade jusqu’à la plage que, chaque jour, je faisais avec toi.

 

Voilà 5 mois que tu es parti rejoindre ton fils et ton époux… toi, mon amie, ma sœur, ma patronne aussi puisque j’étais ta dame de compagnie depuis… oh mon dieu… c’est à peine si je peux me souvenir et souvent je confonds ce que j’ai vraiment vécu avec toi et ce que tu m’as raconté pendant nos promenades ou le soir, sous la lampe, avec nos travaux d’aiguilles.

 

Ma chère Caroline, chère tête de linotte, tu racontais si bien ta vie, ton extraordinaire destinée et tu mettais tellement de couleurs dans ce coin triste de Normandie où tu m’avais entraînée à ta suite, après la mort du général, ton époux.

 

Chère Caroline, ma sœur, tu me manques atrocement.

 

Tu arrivais de nulle part ; fille d’une émigrée de la révolution, on t’a retrouvé, tu avais 2 ans, sur le quai du port de Dunkerque, à coté du cadavre de ta maman, emportée par une maladie de poitrine, à peine débarquée du 3 mats qui arrivait d’Angleterre.

 

Grâce à ton grand père, tu es passé des docks aux salons d’une famille d’adoption, face à la bourse, puis, non loin du Luxembourg, au bras d’un vieux et paisible mari qui t’a fait un fils puis est mort discrètement.

 

Telle une étoile qui monte au firmament, tu as gravis vite, si vite les marches de la société ; un jeune lieutenant, orphelin lui aussi, plein d’avenir, vivement épousé, t’as faite femme de général, bientôt d’ambassadeur et enfin de sénateur.

 

Tu as connu les réceptions, les soirées et les bals des  cours d’Istanbul et de Madrid… ces odeurs de poivriers dans les nuits fauves au dessus du Bosphore et les aubes bleues d’Andalousie après les nuits de fête et d’ivresse les ai-je vécu à tes cotés ou me les as-tu racontés tandis que nous marchions cote à cote sur la grève ? Je ne sais plus tant la vie avec toi fut tourbillon et gaieté, folie et légèreté…

 

Mais il y avait ton fils…Ton fils que tu avais eu toute jeune avec ton premier mari, ton fils qui t’a eu pour lui tout seul dans la petite maison de Neuilly entre la mort de son père et ton remariage, et qui aurait voulu te garder pour lui, rien que pour lui toute sa vie… et qui, pour cela, tout de suite, a haï le militaire maudit, l’usurpateur…que tu avais épousé.

 

Cette trahison, il te l’a fait payer toute sa vie ; Fugues, scandales, dettes, s’affichant avec des putains comme disait le général et avec des viveurs, des parasites qui ont croqué son héritage en quelques mois.

 

Il aurait pu être magistrat comme son demi-frère ou diplomate comme son beau père ; il ne se voyait que dandy, rentier et poète… sans le sou et sans succès… malade de surcroît, d’une maladie honteuse qui le fit souffrir toute sa vie.

Pauvre Caroline, entre ton général, pas un mauvais bougre mais ne supportant pas l’insubordination, et ce fils sans cesse quémandant, menteur, violent, un peu proxénète sûrement, alcoolique et drogué, tu restais insouciante et joyeuse…

 

Combien de fois t’a-t-il soutiré quelques billets que tu lui glissais en cachette de ton mari ?

 

Ce fils qui pour quelques poèmes obscènes échappa de peu à la prison mais non au déshonneur…est-ce cela qui fit mourir si vite ton général ? Tu t’es souvent posé la question…

 

Et puis, il y eu ce drame, en Belgique, dans une église, m’a-t-on dit. Un transport au cerveau du à sa mauvaise vie qui le laissa muet et paralysé. On l’a ramené à Paris, prisonnier dans son lit. Pendant l’année qu’il mit à mourir, il t’a eu, rien que pour lui, comme quand il était petit…

 

Il est mort et nous sommes revenues ici, à Honfleur, dans la maison, sur la falaise…

 

Le temps a passé et bientôt, des messieurs en redingotes, très comme il faut, des écrivains, des professeurs, des hommes politiques et même un académicien, je crois, sont venus te voir pour que tu leur parles de lui, pour quémander à leur tour une lettre, un brouillon, une signature de sa main… de sa main à lui, ton fils !

 

Alors, un dimanche soir, où il y avait eu encore plus de visiteurs que d’habitude et que tous étaient repartis vers Paris, tu es restée longtemps, longtemps, assise dans le fauteuil vert du salon, en face de moi, silencieuse, les yeux dans le vide… et brusquement, l’air affolée, effrayée, de la panique dans la voix, tu m’as demandé : « tu crois… tu crois, toi aussi, que mon fils avait du talent ? Qu’il avait même… du génie ?». Tu t’es levée sans me laisser le temps de te répondre et tu es venu me prendre les mains, suppliante : « Parce que si c’est vrai, c’est épouvantable… cela voudrait dire que je n’ai pas compris, que je n’ai rien compris… que… je ne l’ai pas compris… cela voudrait dire que je suis passé à coté de lui… tu te rends compte : à coté de lui… »

 

Tu es morte 3 jours après.

 

Pour ton enterrement, à Paris, quelques messieurs en redingotes se sont déplacés ; l’un d’eux, l’académicien, je crois, a dit quelques mots pour toi.

 

Avant qu’ils ne referment la tombe, je me suis penché pour voir ta dernière demeure. A coté du tien, il y avait 2 autres cercueils, celui de ton époux et celui de ton fils… sur l’un des deux, des fleurs avaient poussées dans l’obscurité.

 

LAST IROKOI ©2008 in « histoires de la vie de tous les jours »

 

(Caroline Dufays (ou Dufayis) a vraiment vécu au XIXème siècle et a eu cette destinée hors du commun… A l’époque, on saluait son ascension sociale et on respectait madame l’ambassadrice de France ; aujourd’hui, presque plus personne ne sait que l’épouse en secondes noces du général James Aupick qui réprima dans le sang, la révolte de canuts à Lyon, était aussi la mère du premier de nos poètes… voila pourquoi j’ai voulu lui écrire, bien humblement, en hommage, ce texte.

 

Au fait, vous avez deviné le nom du poète ?…

 

Non ?... )

 

L.IRO

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5 décembre 2008 5 05 /12 /décembre /2008 19:08

C’est tous les ans pareil : le 25 août, tout bascule. Vers 17 heures, le temps fraîchit d’un coup ; le soleil se cache derrière un nuage et sur la plage, une claque de vent bouscule les parasols. L’orage éclate en soirée, à l’heure de l’apéritif et une pluie battante inonde les campings et vide les terrasses de Royan.

 

Ce 25 août là, il y a 8 ou 9 ans, n’a pas fait mentir la tradition : il était 21 heures 30 et depuis 2 heures, il pleuvait sans discontinuer. Il ne restait que 4 ou 5 gamins sur le manège et je songeais à fermer. Les parents, tout autour du manège, en short et transi de froid (qui n’a pas connu le frisson du vent froid sur un coup de soleil ?), n’attendaient, du reste, que cela.

 

Tous m’avaient demandé en achetant les tickets si le temps allait s’arranger.

 

Bien sur, je leur ai affirmé que cela irait mieux demain ou après demain, mais, moi, forain depuis 30 ans, installé tous les étés, face à la poste de Royan, je savais que la saison était foutue.

 

Oui, 21 heures 30, peut être un peu plus, car la baraque à frites et celle des pinces à peluches étaient déjà éteintes…quand je me suis aperçu de sa présence : un gamin, pas plus de 3 ou 4 ans dans la soucoupe mauve entre le carrosse et la voiture de pompier.

 

Quoi d’extraordinaire demandez vous ? Rien ; si ce n’est que je ne l’avais pas vu arriver, ni monter dans la soucoupe, si ce n’est qu’il était seul…

 

J’ai recompté ; à ce moment là, ils étaient 4 , 5 avec lui, sur le manège : les jumelles blondes, sérieuses, trop, dans la loco verte, avec leur maman bronzée et bourgeoise, blonde elle aussi ; le petit noir qui venait tous les soir avec son papa, informaticien divorcé et bavard de Pontoise et puis… et puis… ah oui, le petit à lunettes, très premier de la classe, avec ses grands parents très fiers de leurs petits fils qui allait entrer, en septembre, à la grande école, avec un an d’avance.

 

Mais lui, mon inconnu dans la soucoupe, un gamin, brun, très brun, avec une grosse tête et des yeux bleus et immenses, pas très beau mais avec, au fond du regard, une lueur, une sacrée lueur d’intelligence, oui, lui était seul, sans parent, sans adulte pour le photographier, pour lui faire « coucou » à chaque passage…

 

Cela arrivait quelquefois ; pendant que leur gamin était sur le manège, les parents en profitaient pour aller poster une lettre en face, acheter des cigarettes ou même boire un verre... ; mais la poste était fermée depuis belle lurette ainsi que le bureau de tabac et les bars étaient déserts. D’emblée, cela m’a semblé... «  Étrange »… ce gamin tout seul, sur sa soucoupe, un soir d’orage.

 

Et puis depuis le début de la soirée, il y avait sans arrêt les sirènes de voitures de police et de pompiers qui patrouillaient sans cesse… surement des caves inondées… mais c’était énervant.

 

Le temps fort de chaque tour, c’est lorsque je décroche la ficelle où est pendu la peluche qu’ils doivent attraper pour gagner un tour gratuit. Rien qu’à les regarder à ce moment là, je sais qui ils sont et comment ils seront plus tard dans la vie.

 

Les jumelles tendaient la main, poliment ; comme à l’école, elles levaient le doigt pour donner la bonne réponse. Elles n’avaient pas vraiment envie de gagner le tour gratuit. Maman avait les moyens.

 

Le fils de l’informaticien était tout le contraire ; vif, concentré, il suivait les mouvements et les anticipait. Souvent, je voulais prolonger un peu le jeu, mais il me devançait et décrochait le pompon… et à chaque fois, il rigolait, il rigolait à gorge déployée autant parce qu’il avait gagné que parce qu’il m’avait bien eu.

 

Mon petit premier de la classe, lui, voulait bien gagner ; il s’appliquait mais il était tellement maladroit que même si je lui mettais la peluche sous le nez, dans la main, il ratait son coup. Il était premier en math mais nul en gym.

 

Rien de tout cela avec l’inconnu de la soucoupe. Il n’était ni passionné, ni indifférent ; il était … « autrement »

 

Je me souviens qu’au premier tour, il a simplement tendu la main et sans que je le veuille, la peluche, comme aimantée, est venu se poser sur sa paume. Il m’a regardé, impassible et l’a relâché tranquillement. Pourtant, je suis certain qu’il avait compris le sens du jeu.

 

Après trois ou quatre tours, les grands parents sont repartis, sous la pluie, vers leur hôtel, avec le premier de la classe ; les jumelles ont pleuré et leur mère leur a donné un ticket à chacune. L’informaticien est venu m’en acheter deux puis est reparti parler avec la mère des jumelles.

 

Quand j’ai fais le tour pour ramasser les billets, l’inconnu de la soucoupe en a sorti un de sa salopette en jean, sans un mot, sérieusement.

 

5 ou 6 tours se sont déroulés ainsi ; puis l’informaticien et son fils, les jumelles et leur mère sont partis, tous ensemble, vers Saint Georges.

 

Le petit restait seul sur le manège, toujours dans sa soucoupe ; encore 2 tours : il sortait rituellement un ticket de sa poche et ignorait la peluche que je lui tendais…à lui seul et pour cause.

 

J’avais beau tordre la tête dans tous les sens vers la plage, le port, vers la poste...personne, aucun adulte…les parkings étaient déserts.

 

Je m’étais juré que ce tour serait le dernier et qu’à la fin je lui parlerai, je lui demanderai ou était ses parents…

 

La pluie avait redoublée et dans la nuit, profonde, l’orage, traversant l’estuaire, allumait dans le ciel, ses orties bleues. Le vent secouait de plus en plus violemment la toile du manège. Ce n’était pas prudent de continuer, il fallait que j’arrête, que je ferme mais que faire du petit ?

 

Appeler la police ? Impensable : mon grand père, l’un des plus célèbres voyous des puces de Saint Ouen, se serait retourné dans sa tombe.

 

 Heureusement, la tempête a décidé pour moi : un roulement de tonnerre formidable accompagné d’une rafale de vent à stoppé le manège et l’a plongé dans le noir. Tout le quartier a disjoncté.

 

Je suis allé chercher une torche électrique derrière mon guichet vitré et tout de suite j’ai éclairé la soucoupe.

 

Plus personne ; je n’en croyais pas mes yeux : il s’était volatilisé.

 

Je me suis approché de l’engin, j’ai regardé tout autour du manège : personne en s’en éloignait et je suis certain qu’aucune voiture n’avait démarré sur l’avenue à ce moment là.

 

Quand l’électricité, 10 minutes après, est revenue, j’ai commencé à fermer, perplexe, songeur, …encore plus perplexe quand, sous le siège de la soucoupe, j’ai retrouvé un jouet ou plutôt, un « doudou » comme disent les petits. Celui là, c’était « E .T. », l’extra terrestre au doigt sur dimensionné qui clignotait quand on lui appuyait sur le ventre.…

 

J’ai très mal dormi.

 

Le lendemain matin, comme d’habitude, j’ai pris mon petit déjeuné en écoutant « France info ».

 

Elle est bien cette station : en quelques secondes, on sait tout ce qui s’est passé dans la nuit.

 

Ce jour là, la prise d’otages en Tchétchénie s’était terminée dans un bain de sang. On déplorait 34 victimes dont 19 enfants et plus de 100 blessés ; un petit garçon, disparu du camping de ses parents, à Meschers, près de Royan, en début de soirée, a été retrouvé, sain et sauf, peu avant minuit, à la porte du mobil home familiale. Enfin, de la pluie, accompagnée de fortes bourrasques de vent, était annoncée pour toute la journée, sur le littorale atlantique…

 

Normal, quoi.

 

LAST IROKOI © 2008 IN « HISTOIRES DE LA VIE DE TOUS LES JOURS »  

 

 

 

 

 

 

 

 

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28 novembre 2008 5 28 /11 /novembre /2008 22:50

Souvent, mon oncle racontait cette histoire qu’il avait vécue au début des années 60.

 

Il était garçon de café et, comme il terminait souvent très tard, il devait prendre le dernier métro. Et tous les soirs, seul dans le wagon, il s’endormait pour se réveiller juste avant d’arriver à Saint augustin.

 

Cette nuit là, ce fut le chef de train qui le tira du sommeil en le secouant, bien avant sa destination : « il faut descendre monsieur. Un incident technique empêche cette rame de poursuivre son service… »

 

Mal réveillé, il jeta un coup d’œil dehors. C’était l’obscurité ; le métro ne s’était pas arrêté dans une station. Mais le chef de train le rassura :

 

- Mais si monsieur ; On est bien à quai, à « Saint Martin » ; d’habitude on s’arrête pas : la station est désaffectée depuis 1939[1] mais elle est encore très bien. Et puis une rame de secours va venir vous prendre dans quelques minutes ».

 

Et mon oncle fut propulsé dehors par le contrôleur.

 

Le métro redémarra laissant mon oncle seul, personne d’autre n’étant descendu, dans la pénombre de cette station fantôme.

 

Il était gelé et pour tout dire, pas très rassuré. De l’eau suintait des voûtes et des rats couinaient sur les voies. Les couloirs qui menaient aux sorties ou aux correspondances étaient plongés dans l’obscurité.

 

Il prit sur lui et fit quelques pas. Bien qu’éclairé chichement par des quintets poussiéreux, on voyait que depuis 20 ans, rien n’avait bougé. Des distributeurs métalliques proposaient toujours leurs bonbons à la menthe et sur les voûtes de faïence, les réclames pour « Banania » ou pour les cigarettes « Virginie » étaient toujours là ; ce n’était pas des affiches en  papier mais des bas-relief de plâtre colorié[2]

 

C’est en arrivant presque au bout du quai qu’il prit conscience d’une présence. Il y avait là un homme, debout, immobile, dans l’ombre, presque invisible.

 

En hésitant, mon oncle s’approcha assez pour voir que l’inconnu était correctement vêtu, tout en noir et qu’il tenait une lourde serviette de cuir à bout de bras. Il devait être relativement âgé, car il portait un chapeau ce qui, déjà en 1960, était assez rare.

 

Arrivé près de lui, mon oncle le salua de la tête ; l’autre lui répondit, distant.

 

Pour dire quelque chose, mon oncle tenta d’engager la conversation : « je me demande s’ils vont nous faire attendre longtemps ? »

 

L’homme ne daigna pas répondre ; peut être un haussement d’épaules, fataliste…

 

Ses yeux s’habituant à l’obscurité, mon oncle vit distinctement l’inconnu. Il était maigre, très maigre, d’une maigreur d’ascète et autant qu’il puisse en juger, pâle, très pâle, livide.

 

Son examen fut interrompu par un bruit de tonnerre qui s’élevait au loin, dans le tunnel. Cela enfla jusqu’à ce qu’une vieille motrice tirant un wagon plein de sable en débouche et passe en trombe sans même ralentir, ni tenir compte des gestes et des appels de mon oncle. Elle disparu très vite. Mon oncle était furieux.

 

Prenant à témoin son compagnon d’infortune, il parlait de porter plainte contre la RATP qui n’était chacun le sait que des « jean foutre » et des fainéants.

 

Puis il se calma ; à nouveau, le silence peuplé du goutte à goutte de l’eau et des couinements des rats. Parfois, loin, depuis d’autres tunnels, parvenaient jusqu’à eux les grondements des trains de services qui circulaient sous Paris.

 

Sur l’instant, cela ne l’avait pas marqué, mais il était presque certain qu’au moment où la motrice était passée, l’homme s’était reculé le plus loin possible, vers le mur, dans l’ombre, pour ne pas être vu.

 

Il attendit avec son drôle de compagnon, silencieux.

 

Il commençait à désespérer quand enfin, une rame, la fameuse rame de secours, entra en station et s’arrêta. Les portes s’ouvrirent. C’est alors que l’inconnu prit mon oncle par le bras et lui chuchota à l’oreille : « faites attention, jeune homme, vous n’êtes pas assez discret, cela n’est pas prudent. Ils sont partout…Mais je suis confiant : la libération approche, les américains sont à Dunkerque, à Dunkerque vous entendez. Alors soyez prudent, le combat continue »

 

Mon oncle s’est dégagé et est monté dans le wagon laissant l’inconnu sur le quai.

 

Le métro est reparti…

 

Unanimement, la famille pense que ce soir là, comme tous les soirs, l’oncle avait un petit coup de trop dans le nez et qu’il avait rêvé tout cela…

 

Car enfin, un combattant ignorant, 15 ou 20 ans après, que la guerre est terminée, c’est pas possible…

 

Ou alors dans les îles du Pacifique ou dans la Jungle birmane, loin… et encore, ce sont des japonais… fanatiques.

 

Mais en plein cœur de Paris… c’est impossible…

 

Non ?

 

Last Irokoi © 2008 in « Histoires de la vie de tous les jours »



[1] Authentique

[2] Authentique également ; malheureusement, elles sont aujourd’hui mangées par l’humidité et taguées

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21 novembre 2008 5 21 /11 /novembre /2008 20:04

En revenant à moi, je n’ai pas tout de suite compris où j’étais. A cause du soleil qui m’éblouissait, j’ai cru que je m’étais endormi dans mon jardin, en lisant, après manger. J’ai ouvert les yeux. Je les ai vite refermé. Ca tournait trop. Juste eu le temps de voir que ce n’était pas mon jardin, trop d’arbres … trop hauts et surtout trop de bruit. Prudemment, j’ai ouvert à nouveau les yeux. Cela allait mieux... mais à mesure que le malaise s’éloignait, la douleur se réveillait et avec la douleur, les souvenirs… j’ai tout revu comme dans un film, un mauvais film.

 

Ce déplacement en Amérique du sud improvisé, il y a 5 jours, à cause de Grégoire, le chef du service « étranger, » cloué au lit par une sciatique. L’avion que je prends, le lendemain, nauséeux à cause des piqûres et des cachets contre le « palu » dont on m’avait bourré.. Cette ville, poisseuse de chaleur. Cette première réunion en espagnol ; on m’a adressé la parole ; j’ai répondu en anglais. Ils m’ont semblé hostiles. Jet flag : j’étais crevé.

 

Le soir, tout de même, ils m’ont invité au restaurant.

 

Au retour, le taxi a été arrêté par un barrage ; des mecs, en kaki, pistolet mitrailleur à la hanche. Le chauffeur a voulu discuter, ils l’ont assommé et moi ils m’ont traîné dans un 4 X 4, en ruine. Une banlieue sordide puis une sorte de « no man’s land »pelé et enfin la forêt, la grande forêt tropicale, effrayante.

 

On a roulé toute la nuit.

 

Un camp sous les arbres et une trentaine de personnes, en treillis, armés, autant d’hommes, sales  que de femmes, grasses.

 

Ils m’ont enfermé dans une cabane.

 

J’y suis resté 2 jours, seul. Une fois par jour, on me donnait à manger, une bouillie de céréales. Le garde qui venait, ne répondait pas à mes questions. Je ne sortais jamais. Je faisais mes besoins dans un coin. J’étais abruti de chaleur et j’étais sale, je puais ; la nuit, je ne fermais pas l’œil. Une forêt vierge, cela fait mille fois plus de bruit qu’une ville. Des  bruits, des cris, stridulants, énervants, angoissants… sans parler des moustiques.

 

Et puis tout à coup, la panique. Des coups de feu, pas loin, dans la foret, des bruit d’hélico, de moteurs. Ils sont entrés et m’ont lié les bras derrière le dos. 

 

A nouveau, le 4 X 4 sur une longue piste rouge, défoncée, coupant droit dans la foret, précédé par une jeep et suivi par un camion, hors d’age lui aussi.

 

C’est la jeep qui a trinquée. Elle s’est littéralement volatilisée dans une gerbe de feu ; des morceaux retombaient en flamme tout autour de nous.

 

Quelques secondes de silence stupéfait sous la forêt. Juste le grésillement du feu sur l’épave et une épouvantable odeur. Mes gardes sont sortis, laissant la portière ouverte, pour voir de plus près ; J’en ai profité ; j’ai plongé la tête la première dans les fourrées et j’ai couru droit devant moi, déséquilibré car mes bras étaient toujours liés dans mon dos.

 

Il faisait sombre sous les arbres ; je n’ai pas vu assez tôt le ravin ; le sol s’est dérobé sous mes pas et je me suis mis à dégringoler, de plus en plus vite. Une longue chute douloureuse ; Des branches me déchiraient ; j’ai entendu l’affreux craquement de mon bras, explosé contre un rocher et j’ai vu ma cuisse éventrée par des épines grosses comme des couteaux sur un arbuste. Je tombais, je tombais toujours.

 

Et puis ma tête a porté contre un arbre. Tout s’est arrêté ; noir absolu.

 

 

J’ai mal, j’ai soif ; j’ai chaud aussi, je suis en nage, je grelotte ; je dois avoir de la fièvre. Mon bras est insensible, ou plutôt je ne le sens plus, comme si j’étais amputé. Par contre, ma cuisse me brûle atrocement bien que le sang ne coule plus de la blessure béante ; je ne peux même pas la défendre contre les insectes qui se posent dessus. Dès que je bouge, je réveille la douleur insoutenable, qui me coupe le souffle ; alors je m’attache à rester immobile et les fourmis, les moustiques en profitent…

 

Je suis sous un arbre. Tout autour des fougères géantes et d’immenses fleurs rouge sang… et puis il y a  le bruit, un bruit assourdissant, qui me résonne dans la tête, dans le corps, qui va me faire devenir fou. Des cris d‘oiseaux, des crissements d’insectes, des frottements, des frôlements, des claquements. Les arbres craquent comme des mats et la forêt est un immense vaisseau qui dérive sur l’océan de ma peur.

 

Car j’ai peur, j’ai atrocement peur, une peur qui me tord les entrailles, qui m’empêche de respirer, de réfléchir .je suis loin de tout, de la route, d’un village, de toute présence humaine et la nuit, la nuit va arriver. Sans lumière, sans feu, je ne verrai pas l’aube se lever… je vais mourir.

 

Je peux à peine tourner la tête sur la droite. Impossible à gauche ; cela me fait trop mal. J’aperçois, à 20 centimètres de mon visage, une immense toile d’araignée ; architecture précieuse en fils d’argent, piège mortel mais si beau qui capture l’humidité en gouttes de soleil. Aucune trace de l’araignée. Elle reviendra silencieusement cette nuit, sûrement, elle sera à quelques centimètres de mon visage ; cette idée me donne des frissons … 

 

Il y a plus grave ; juste en face de moi, ce trou dans le rocher ; il y a ce que j’ai pris tout d’abord pour une liane… mais la liane s’est mise à remuer. C’est un serpent, pas bien gros, tout vert avec deux yeux noirs, méchants, cruels. Je l’aperçois distinctement maintenant. Si je ne me trompe pas, c’est l’un de ceux que j’ai vu sur un hebdomadaire dans l’avion… un tueur d’homme.

 

Je m’applique à rester immobile, à ne plus penser, à être insensible, à me rendre invisible, à ne faire qu’un avec le bois de l’arbre ; que dis je ? Je suis l’arbre, je suis le bois ; je suis matière, matière, tu m’entends, serpent ?

 

La nuit arrive, du moins je crois. J’ai perdu toute notion du temps, mais je crois, j’ai l’impression que tout un coin de la foret devient de plus en plus sombre ; il y a de moins en moins de lumière.

 

Juste assez pour voir le serpent qui sort de son trou, qui arrive vers moi, vers ma jambe malade.

 

Je suis en eau, j’ai envie de crier, de hurler, je suis mort de trouille.

 

Il ne faut pas bouger, il ne faut pas penser, je suis bois, serpent, je n’ai aucune odeur, aucune saveur.

 

Il est monté sur ma jambe et s’est lové contre mon genou.

 

Je suis fatigué... mort de fatigue... mais impossible de dormir … si je dors, fatalement, je bougerai et si je bouge…

 

Sans que je le veuille vraiment des images se forment sur ma rétine, dans mon cerveau ; je pense à ce salaud de Grégoire qui doit être chez lui, peinard, en convalescence… Et puis à ma femme, à mes enfants ; que font ils, savent ils que j’ai été enlevé ? Peut être ont-ils déjà été interviewé par la télé? Et mes collègues ? Peut être vont-ils former un comité de soutien, faire des manifs, des marches dans les villes pour exiger ma libération ? Je vais devenir célèbre ! On m’aurait dit cela il y a une semaine, je ne l’aurai jamais cru…

 

Je pense brusquement qu’ils vont avoir du mal à trouver une photo de moi. A la maison, c’est toujours moi qui les prenais…je n’étais donc jamais dessus ; la plus récente remonte au moins à 6 ou 7 ans ; j’ai du changer.

 

Putain que j’ai mal !

 

Et brusquement, je me souviens ; si, il y a bien une photo de moi ; c’était pour la fête du bureau ; le seul problème, c’est que j’avais un petit chapeau pointu sur la tête et un gros nez rouge…

 

Je me demande si c’est celle là qu’ils mettront sur la façade de l’hôtel de ville à Paris.

 

Un fou rire me prend, j’ai oublié le serpent.

 

Un qui s'est bien trompé, c'est mon prof. au lycée - il y a si longtemps- comment l'appelait on déja?- Il disait  que  le rire était le propre de l'homme . Objection: Juste avant la morsure, j’ai  vu , distinctement, le serpent découvrir ses crocs : il riait.

 

Ou alors c’était un rictus…

 

Sûrement…  

 

Mais comment l'appelait on déja,?

 

Tiens, il fait nuit.

 

Ah oui, "binocl.......

 

LAST IROKOI © 2008 IN « HISTOIRES DE LA VIE DE TOUS LES JOURS » 

 

(En hommage à Boris Vian, l'auteur , le merveilleux auteur des "fourmis"...)

 

 

 

 

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14 novembre 2008 5 14 /11 /novembre /2008 23:19

Du front, ce 3 septembre 1917

 

 

Mes biens chers parents,

 

Avant toute chose, chère maman, dis toi bien que je ne peux pas répondre à la question que tu me poses dans chacune de tes lettres : non, je n’ai pas le droit de te dire où je me trouve. Cela nous est strictement interdit et si je le faisais, les ciseaux de « dame censure » séviraient ; cela me vaudrait sûrement quelques jours de prison voire même pis que cela car actuellement, la justice militaire ne plaisante pas.

 

Apprenez seulement, mes chers parents, que je me porte bien. Après deux semaines au front, dans les tranchées d’où nous avons, à plusieurs reprises, repoussé, avec succès, l’ennemi, nous sommes, mes camarades et moi, redescendus à l’arrière, prendre quelques jours de repos bien mérités.

 

Je passe mes journées dans la cour d’une ferme, loin des batteries allemandes, à fumer bien tranquillement ma pipe en faisant sécher mes vêtements au soleil. Les gradés nous laissent en paix à discuter ou à jouer aux cartes. Et oui, ma pauvre maman, l’armée a corrompu ton fils qui s’adonne à l’enfer du jeu… rassure toi, rien de bien méchant ; de braves gars des Charentes nous ont appris à jouer à la coinché. Je m’ennuis tellement que tout ce qui peut me distraire et m’empêcher de trop penser à ce qui ce passe là haut est le bienvenue.

 

Bref, rassurez vous je vais très bien. Depuis quelques temps, on nous nourrit mieux ; j’ai même un peu grossi ; d’ailleurs, cela doit se voir sur la photo que je vous joins à cette lettre. Je reçois régulièrement les colis que vous m’envoyez. Je sais que cela ne doit pas être simple pour vous non plus ; aussi je ne vous en remercie que plus vivement. Apprend, douce maman, que la réputation de ta confiture de mûres a déjà fait le tour du bataillon.

 

Je suis devenu ami avec Marcel Thevenin qui est notre médecin major. Il a 5 ans de plus que moi. C’est un garçon très brillant : dans le même temps qu’il faisait sa médecine, il passait une licence de lettres. Il parle le grec ancien couramment et quand nous voulons un peu « snober » les autres, c’est dans cette langue que nous nous exprimons.

 

Si je vous parle tant de Marcel, c’est qu’il m’a fait une proposition et que je ne sais pas trop quoi faire. Voilà, il voudrait me faire muter auprès de lui en qualité de secrétaire, à l’hôpital où il opère, à l’arrière. Je dois avouer que ne plus avoir à remonter là haut, dans la boue et le danger quotidien, me tente ; mais d’un autre coté, laisser les camarades y retourner seul, je ne sais pas, ce serait comme si je les trahissais…dites moi ce que vous en pensez, sincèrement, oubliez un instant que je suis votre fils et donnez moi un avis impartial.

 

Je suis trop bavard. Je vais devoir poser la plume car bientôt le clairon va sonner l’extinction des feux. Je n’aime pas ce moment où je me retrouve seul, dans l’obscurité, sur ma paillasse. Si vous saviez les rêves horribles que je fais. Mais je ne veux pas vous ennuyer avec cela. Je sais que je ne fais que mon devoir en défendant la patrie, en repoussant l’allemand au dehors de nos frontières. Pourtant Dieu a dit « tu ne tuera point ». Ici, on me félicite pour ça…

 

Je suis fatigué. J’ai hâte de revenir à la maison. On reparle à nouveau de permissions. J’ai hâte de vous revoir et de vous embrasser, mes chers parents, de revoir la maison et le salon dans lequel je vous imagine sous la lampe, papa lisant son journal en bougonnant et toi, maman, tricotant en écoutant la TSF

 

Portez vous bien et donnez moi vite de vos nouvelles. Saluez bien de ma part tante Germaine. Je vous fais mille baisers affectueux autant que respectueux.

 

Votre fils,

Soldat de 1er classe

 

Jean Dupont

 

P.S. Avez-vous des nouvelles de mon amie Marie-Madeleine. Voici deux mois et demi que je n’ai reçu aucune lettre d’elle. Savez vous si elle reçoit convenablement mes courriers ?  N’est elle point malade au moins ? Rassurez moi sur ces points. Son silence m’attriste un peu mais comme on dit : Ainsi va la vie… et si vous la croisez, surtout assurez la de mon bon souvenir et de mon amitié.

 

Plein de baisers encore à tous les deux

 

J.D.

 

 

Boston L.W, 2 juillet 2007

 

Mon bien cher fils,

 

Je réponds à ton dernier mail qui est arrivé hier au soir. Tu vois, ton père avait raison ; il vaut mieux utiliser Yahoo que Googles. Ton texte n’avait presque pas été coupé. Ils surveillent beaucoup plus les mails des soldats qui se servent de Googles. Je ne sais pas pourquoi.

 

Tu ne peux pas savoir combien je suis soulagée de savoir que pendant quelques semaines, tu seras dispensé de patrouilles et mis au repos, en sécurité dans le quartier américain, au centre de Bagdad. Profite en pour bien récupérer et te divertir un peu. Fait tout de même attention si tu joues au poker avec des soldats de métiers. Ce ne sont pas des enfants de chœur, ils savent tricher. Je sais ce dont je parle : quand j’étais jeune, je vivais avec mes parents près d’un camp de marines. Je passais des soirées à boire de la bière avec eux. Souvent, on finissait la soirée en jouant au strip poker ! Tu dois penser que ta mère est folle !

 

Je trouve que tu es très beau, très séduisant sur la photo que tu as envoyée en pièce jointe, surtout que tu as un peu maigri et que cela te va beaucoup mieux. Mon coach m’a dit que la nourriture de l’armée est beaucoup trop grasse et riche ; elle nous prépare des impotents et des cardiaques avant l’age ; vraiment, des 3 hommes de ma vie, Jack, ton beau père, toi et ton père, c’est vraiment toi le plus beau car le plus mince et le plus musclé. C’est toi que j’aurai du épouser ! J

 

Tu as raison, Bill Phil’s ton nouveau copain, est vraiment un type bien… et un beau garçon si j’en juge par la photo. Il est réellement docteur en informatique (ton père a vérifié) et sort de Harvard, il a monté 4 Start up cotées en bourse et pèse plusieurs millions de dollars alors qu’il n’a pas encore 25 ans. Il est parti par pur amour de la patrie… bel exemple !

 

Pour ce qui est de la proposition de ton copain Bill qui voudrait que tu travailles avec lui pour l’armée à Bagdad, ton père te fait dire qu’il faut que tu acceptes tout de suite car cela sera un vrai + sur ton Cv quand tu chercheras du travail à la fin de tes études. Jack, ton beau père est du même avis ; il faut dire « oui » car l’important, pour lui c’est de combattre le terrorisme avec toutes les armes possibles et si l’informatique fait parti de l’arsenal, y travailler, c’est aussi honorable que de risquer ses os sur le terrain.

 

Quand à moi, tu me demandes de te donner un avis impartial ; pourtant, tu es assez intelligent pour savoir que c’est impossible. Je suis ta mère et tu es mon fils unique. J’ai respecté ta volonté de t’engager quand tu l’as souhaité parce que je sais que notre devoir d’américains est de défendre partout dans le monde, la liberté contre la barbarie et le terrorisme. Mais je sais aussi l’angoisse qui me prend quand j’aperçois dans le quartier une voiture noire avec deux militaires à l’intérieur qui manifestement cherche une adresse. Je sais aujourd’hui qu’ils viennent, de plus en plus fréquemment, annoncer à une famille, à moi peut être, que leur enfant est mort héroïquement là bas, dans le désert.

 

Alors oui, si travailler pour ton copain Bill diminue, même un tout petit peu, le risque que tu as d’être haché vif par une de leur grenade, accepte, accepte mon fils. Peu m’importe ce que les autres penseront de toi. Si Dieu est à nos cotés  je ne pense pas qu’il souhaite voir ses enfants mourir ainsi, si jeunes… et pour quoi en fait ? Quelques dunes de sable ? Quelques hectolitres de pétrole ? C’est absurde !

 

Je suis fatiguée. Je vais t’envoyer ce mail et me deconnecter. Je dois aller chercher les 2 filles de Jack à l’école. Ce sont toujours des petites pestes qui ne m’aiment pas beaucoup. Quelquefois je me demande si j’ai eu raison de me remarier. Je sais que tu m’en as voulu à l’époque ; que tu aurais souhaité continuer à vivre seul avec moi, rien que tous les deux, dans le petit studio au dessus du coiffeur. Mais jack est si gentil. Tu sais, tous les samedis matin, il sort ta voiture du garage pour la laver et faire tourner le moteur. Comme cela, dit il, elle sera comme neuve quand le petit rentrera. En plus, cela lui permet de parler de toi aux voisins qui passent à ce moment là et qui demandent de tes nouvelles. Il est très fier de toi. Je crois que tu es un peu le fils qu’il n’a jamais eu.

 

Je t’embrasse très fort mon petit et tout le monde, papa, Jack et tes demies sœurs se joignent à moi pour te dire : Revient, rentre vite à la maison.

 

Plein de baisers, mon petit.

 

Ta maman

 

P.S. je vais finir sur une note moins triste. Tu sais, la petite mary ? Mais si, nous l’avons salué ensemble au super marché lors de ta dernière permission ; tu as fais presque toute ta scolarité dans la même classe qu’elle. Et bien figure toi qu’elle est tombée enceinte d’un homme pas très recommandable qui a 20 ans de plus qu’elle. On croit qu’elle vit avec lui pas loin du quartier chinois.  Une qui fait moins la fière, c’est sa mère, la Sara ; tu te rappelle combien elle était bigote. Elle avait fait courir des bruits sur moi quand j’ai divorcé. Aujourd hui, elle ose plus sortir de chez elle. Comme quoi, hein ! Ainsi va la vie !

 

Je t’embrasse très fort, mon John.

 

 

 

(Le caporal Jean Dupont est mort le 4 février 1918 du typhus à l’hôpital de Beauvais où il servait en qualité de secrétaire. Son père est décédé 2 mois après, foudroyé par la grippe espagnole. Sa mère s’est remariée en 1920 avec un homme de plus de 10 ans son cadet qui fut opéré en 1952 d’une tumeur hépatique, à l’Hôtel Dieu de Paris, par le professeur Marcel Thevenin. Cette opération lui sauva la vie.

 

Le sergent John W.Smith est rentré d’Irak en avril 2008. On l’a retrouvé pendu dans le garage de ses parents à Boston 3 semaines plus tard. La police a conclu à un suicide. Mary Artfield, la fille de Sara, a, 3 mois plus tard, déposé 2 recours en justice : le premier pour une reconnaissance en paternité posthume d’un enfant de 2 ans aujourd hui et qu’elle aurait conçu avec J.W.Smith lors d’une permission de ce dernier. Le second, contre l’armée américaine, responsable selon elle du suicide du sergent J.W.Smith. D’après ses avocats, il s’agit d’un préalable incontournable pour que l’enfant soit reconnu orphelin de guerre et qu’elle perçoive jusqu’à sa majorité, la pension qui accompagne cette reconnaissance. La mère du sergent J.W.Smith a déposé un recours auprès de la Cours Suprême pour empêcher que soit effectué le prélèvement d’ADN. qui attenterai selon elle à l’intégrité de la dépouille mortelle de son fils. Lors des obsèques, Bill Phil’s est venu et à rencontré toute la famille : la mère dont il est devenu l’amant, le soir même, Jack qui l’a trouvé sympa au point de lui proposer un week end de pêche au saumon à Cap Code et le père de John avec qui, aux dernières nouvelles, il projette de créer une multi nationale d’électronique militaire au Proche Orient dont Bill sera le directeur général et le père, président…Ainsi va la vie !)

 

 

LAST IROKOI © 2008 IN « HISTOIRES DE LA VIE DE TOUS LES JOURS » 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 15:01

C’était exactement comme quand j’étais gamin. Le dimanche, après déjeuner, toute la famille se promenait sur les berges de la Seine, à la hauteur des entrepôts de Bercy. Puis nous passions le fleuve pour aller longer la ménagerie du Jardin des Plantes

 

A l’époque, Paris sentait encore le vin et les fauves

 

En automne, vers 17 heures, quand la nuit commençait à tomber, on repassait la Seine et on rentrait vers la place Daumesnil. Les monuments étaient gris et le ciel, frileux. Je marchais dans les feuilles mortes en traînant les pieds. Cela faisait d’énormes tas roux et bruns.

 

J’avais froid et je m’ennuyais.

 

Ce jour là aussi, c’était l’automne et j’avais 2 heures à tuer en attendant le train de Paris. Je marchais dans les rues désertes de Saintes, le long de la Charente et les marronniers perdaient leurs feuilles comme ceux de mon enfance.

 

Hélas, je ne pouvais pas traîner les pieds dedans. A 50 ans et en costume cravate, cela ne se fait pas.

 

Saintes ne sentait ni le vin, ni le fauve mais j’avais l’âme aussi mélancolique, aussi frileuse que 40 ans auparavant. J’étais seul. Mon père n’était plus là pour me dire : « arrête, s’il y a des crottes de chiens, tu va en avoir plein les chaussures… ». Seul comme je l’étais alors, dans la vie.

 

Et puis, il se mit à pleuvoir ; à pleuvoir comme il ne peut, comme il ne sait pleuvoir qu’à Saintes, tout doucement d’abord, hypocritement et de plus en plus fort, une averse drue et sonore, une pluie lourde et froide qui tout de suite colle aux vêtements et vous glace le corps, qui, tout de suite, fait briller l’asphalte des trottoirs d’une laque noire et funèbre.

 

Ce fut un déluge qui me força à m’arrêter sous l’abri du bus, face « aux nouvelles galeries ». On ne voyait plus rien dans ce brouillard liquide, transformant les vitrines, en simple halo de lumière mouvante et les clochers, en fantômes de pierre, incertains.

 

J’avais froid, j’étais trempé, gelé dans les courants d’air, et abruti par le bruit des gouttes sur le plexiglas de l’abri. Plus personne sur l’avenue.  Je me sentais désespérément seul.

 

Et puis, brusquement, elle fut là, refermant son parapluie. Je ne l’ai même pas vu arriver. Elle regardait le ciel ; elle avait des yeux… merveilleux, à mi chemin du vert et du gris. Elle était petite, châtain ; elle n’était pas… belle : c’était mieux que cela ; elle était jolie, tellement jolie qu’elle en semblait vulnérable. Elle était fine, délicate, naturelle…le genre de jeune femme  qu’on a tout de suite envie de prendre dans ses bras pour la protéger, pour éviter que la vie ne la blesse ; elle était de celles qu’on ose à peine toucher de peur de la choquer, de la faire fuir…

 

J’en suis tout de suite tombé amoureux… comme un fou, comme un enfant.

 

Ce n’est pas l’endroit où je peux expliquer pourquoi, à 50 ans, j’étais toujours seul dans la vie. Sachez toutefois que ce n’est pas à cause d’une timidité maladive, d’une peur des femmes ou d’un quelconque manque de communicabilité Je n’étais pas un dragueur, un coureur mais je savais y faire… et je le faisais quand il le fallait.

 

Mais là, alors que j’aurai pu de mille façons engager la conversation, impossible de sortir un mot. J’osai à peine la regarder, juste du coin de l’œil. Elle, elle regardait le ciel, le ciel qui continuait à nous isoler des autres. Tout se passait comme si je n’osais pas rompre cet instant rare, précieux, unique, hors du temps et hors des hommes.

 

Je suis resté muet. La pluie a cessé ; elle est repartie vers le monde qui, sortant du brouillard, se remettait à vivre et moi, j’ai repris le chemin de la gare.

 

A 18 h 45, le TGV est entré en gare. Je suis monté à bord, voiture 6, place 22, coté couloir.

 

J’étais plongé dans mon journal quand, 5 minutes plus tard, j’ai senti une présence qui voulait passer pour s’asseoir à coté de moi, place 23, coté fenêtre.

 

J’ai relevé la tête en me levant ; c’était elle.

 

Le train a démarré et moi enfin, je lui ai demandé : « vous n’avez pas été trop mouillée ? »

 

C’était idiot comme question mais elle a quand même tourné vers moi son regard de métal précieux et puis elle m’a montré sa bouche et ses oreilles pour me faire comprendre qu’elle était sourde et muette.




Voila 10 ans que nous sommes mariés et nous avons 2 jumeaux, des garçons qui ont fêtés aujourd’hui, à la maison, avec une dizaine de copains, leur 9ème anniversaire.

 

Le dernier invité parti, les gamins couchés et dormant déjà, les ballons décrochés de la porte d’entrée et le dernier confetti enfin aspiré, nous soufflons tous les deux, accoudés à la fenêtre, regardant, sur le champ de mars, cette nuit d’été bleuie par la tour Effel. Nous sommes épuisés, abrutis par toute l’effervescence qui a régnée aujourd’hui.

 

C’est alors qu’elle fait jouer ses mains pour me parler et qu’elle « signe » mi figue mi raisin : « tu vois, j’ai toujours eu dans l’idée que le silence était d’or. »

 

LAST IROKOI © 2008 IN « HISTOIRES DE LA VIE DE TOUS LES JOURS »

 

 

 

 

  

 

 

 

 

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7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 23:07

La lueur grise et sautillante du récepteur de télévision projetait nos ombres sur le mur du garage. J’avais 15 ans, j’étais en vacances en Bretagne et au milieu de cette nuit de la fin du mois de juillet, j’étais en train – ou plutôt, j’allais – perdre mon pucelage avec une fille qui avait 3 ans de plus que moi et l’expérience qui allait avec.

 

Je ne sais plus qui – d’elle ou de moi- avait eu l’idée, quand la bande s’est séparée à la fermeture du bistrot, ce soir là, de venir là, dans le garage de ses grands parents.

 

Elle n’était pas très belle, grande, ossue, la peau gercée par le savon bon marché et les cheveux raides comme de la paille mais à l’age que j’avais, les mecs sont pas trop regardants… et puis on flirtait depuis 2 jours. C’était la fin des vacances ; il fallait que je me dépêche.

 

On était vautrés sur un vieux canapé face à la télévision qu’elle avait allumée pour masquer le bruit qu’on pourrait faire et dans cette pénombre grisâtre qui masquait un peu sa laideur, je découvrais, à pleine main, les doigts et les lèvres partout à la fois, tous ces endroits que les filles bien m’avaient toujours interdit jusqu’à là. 

 

Elle m’encourageait plutôt, me chuchotant des demandes et surtout des recommandations de prudence : il faut dire qu’en 1969, la pilule, conquête de la libérations féminine, n’avait pas encore atteint cette petite cité balnéaire endormie.

 

Tout se passait bien : j’allais entrer dans le vif… du sujet quand elle se redressa soudain, écoutant dans la nuit.

 

Elle avait raison : on marchait dans la nuit ; une voix l’appela.

 

Elle eu juste le temps de murmurer : « merde ! Mon grand père ! » et de m’éjecter du canapé. Je me suis glissé en dessous pendant qu’elle m’envoyait mon tee shirt et sa petite culotte…

 

Quand l’homme entra, elle était sagement assise, juste au dessus de moi, défripant du plat de la main sa robe de plage.

 

Il lui demanda ce qu’elle regardait à cette heure là. Elle lui dit qu’elle ne savait pas trop, que c’était bizarre… un film de science fiction….

 

Il monta le son du récepteur et éclata de rire en s’installant à coté d’elle. Ils en avaient parlé aux actualités télévisées : ce n’était pas un film ; c’était vrai : des américains étaient arrivés sur la lune… ces ombres qui sautaient, ces voix déformées par la distance c’était vrai…on marchait sur la lune !

 

Ils restèrent plus d’une heure devant la lucarne tressautante, enthousiastes pendant que moi le nez dans la poussière et les crottes de souris, je grelottais, les fesses nues sur le béton glacée car je n’avais pas eu le temps de remonter correctement mon jean. 

 

Pendant qu’ils regardaient ces images historiques, je n’avais moi comme perspectives que les mollets variqueux du vieux et ses pieds glissés dans des chaussons malodorants.

 

C’était horrible: Pendant qu’il dissertait sur le progrès humain, sur la science du XXème siècle, moi, je me bagarrais contre une énorme envie d’éternuer à cause de la sciure qui tombait du canapé.

J’avais lu un truc d’agent secret pour empêcher l’éternuement. Il faut frotter le bout de sa langue, bouche fermée, contre son palais ; et bien, je puis vous le dire, ça marche ; j’ai réussi à garder le silence.

 

Après, ce fut une crampe, épouvantable, dans la hanche. Je ne savais plus comment me tenir. J’étais glacé et pourtant j’avais la sueur qui perlait au front.

 

Enfin, le grand père se leva pour fermer le récepteur et sorti avec sa petite fille, verrouillant la porte du garage à double tour.

 

Je pu enfin sortir de mon trou à rat et me rhabiller convenablement, le corps douloureux. J’ai attendu de longues minutes, le retour de la fille - pas pour la bagatelle, j’étais épuisé - mais pour qu’elle me délivre.

 

Elle n’est pas revenue. Alors, j’ai sauté par une fenêtre minuscule, m’écorchant au passage sur les épines d’un rosier, le long du mur.

 

Je suis rentré chez moi par la plage. C’était l’aube. La lune, là haut, me regardait, hilare.

 

Le lendemain, je me suis réveillé vers midi avec une angine carabinée qui m’a clouée au lit pendant 2 jours. Je suis reparti pour Paris sans la revoir.

 

J’ai du attendre encore 5 mois avant de réussir enfin ce qui me tenait tant à… cœur. C’était avec une italienne, belle, à paris, banalement, chez elle, dans sa chambre qui donnait sur le champ de Mars, un dimanche après midi, pendant que ses parents étaient partis prendre le thé chez des amis.

 

Mais, même aujourd’hui, quand il repasse à la télé le film des premiers pas de l’homme et du grand bond pour l’Humanité, je sens encore l’odeur d’urine de souris du garage de mes 15 ans…

 

On a les madeleines qu’on peut…

 


LAST  IROKOI ©  2008 IN  "HISTOIRES DE LA VIE DE TOUS LES JOURS"

 

 

 

 

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2 novembre 2008 7 02 /11 /novembre /2008 16:43

C’était il y a 2 ans ; Avec un copain, on avait décidé de faire le tour des U.S. On a loué à New York, une vieille Buick jaune, le genre de bagnole qui n’existe plus que là bas.

 

En arrivant sur la cote ouest, je voulais absolument voir la vallée de la mort et surtout « Zabriskie point », le site où se déroule le film, superbe, d’Antonioni.

 

Mon pôte était crevé ; il a voulu rester à Vegas.

 

Je suis parti seul, très tôt, le matin, par la route 190, au nord de la ville.

 

J’ai roulé pendant près de 100 miles dans le néant, une plaine grise qui se soulève doucement vers l’ouest et où je me traînais à cause des limitations de vitesse.

 

Pourtant, insensiblement la route s’élevait et à mesure que j’avançais, la température, malgré la clim, montait, elle aussi. A 9 heures, il faisait déjà 65° F. ;

 

Les lacets devenaient sévères et la boite automatique cliquetait sans cesse.

 

Je fis une halte vers 11 heures au promontoire du mont « Dante » : c’était hallucinant ; je dominais le monde : à mes pieds, la vallée se convulsait, immense reptile pétrifié. Des géants avaient saisi, à pleine main, des pans entiers de rocher et les avaient pulvérisé, brisé en mille récifs attendant une marée qui ne viendrait pas.

 

Aux ruptures scintillantes du quartz et du feldspath blessant l’œil succédaient les flaques de mercure des lacs de sels qui tendaient au ciel, leur sulfureux miroir.

 

La chaleur me fit très vite remonter en voiture.

 

La descente était vertigineuse et la route, de plus en plus mauvaise. J’étais en sueur et j’avais du mal à respirer. Si j’ai bien compris les pancartes, on était en dessous du niveau de la mer

 

Je suis arrivé sur la rive d’un lac de sel, gigantesque plaque de roche écorchée, chauffée à blanc où l’eau s’était évaporée depuis la préhistoire: la terre avait soif d’une pluie qui, elle non plus, ne viendrait jamais.

 

Le thermomètre du tableau de bord indiquait plus de 85 ° F. De rares camions troglodytes, tout droit sortis de « duel », lâchaient dans leur sillage, une fumée grasse et des pick-up en ruine, arrêtés au bord de la route, capot ouvert, attendaient pour pouvoir repartir que leur moteur refroidisse un peu. 

 

Et puis la route, rectiligne maintenant, se remit à monter.

 

Après le col, enchâssé entre deux falaises abruptes, la plaine, longue, que la route tranchait à vif, rectiligne jusqu’à l’infini. Paysage de météorite sans arbre, sans oiseau…désert implacablement lisse, blanc de chaleur. Quel courage fallait il aux premiers émigrants pour franchir avec leurs mules et leur vieux chariot branlant, cette fournaise ?

 

Personne dans ce monde de la soif ; plus de Pick up, ni de camion ; j’avais croisé la dernière station 30 miles avant… Dans cet univers sans mesure, seule dans ma Buick, je commençais à ressentir une angoisse sourde…peur de tomber en panne, peur de devoir marcher sous le plomb du soleil, peur inexplicable tout simplement qui prend tout humain au seuil de l’enfer.

 

Et puis, tout au bout de l’éternelle ligne droite, sur l’horizon incertain, un éclair métallique, qui scintillait, qui palpitait, une étoile tombée du firmament.

 

C’était un motard solitaire qui roulait paisiblement, en prenant son temps, jouissant de l’espace, de l’immensité. Sa vieille Harley brillait de tous ses chromes impeccables, rutilants. Il ne sollicitait pas son moteur, sûr de lui, calme, impérial.

 

J’hésitais à le doubler tellement cela était magique, digne de respect.

 

Je me portais à sa hauteur. C’était un grand gaillard, droit et solide sur sa selle, un casque de cuir sur la tête et ses lunettes d’aviateur portées haut sur le front. Son treillis était largement ouvert sur sa poitrine et la poussière qui recouvrait son pantalon et ses bottes de cuir montrait qu’il arrivait de loin.

 

Au passage, il me fit un signe de la main, lent et majestueux. A regret, j’ai accéléré et je le vis bientôt disparaître dans mon rétroviseur, redevenir étoile remontant au firmament.

 

Quelques miles après, je suis arrivé à l’intersection entre la 190 et la 178 .Au carrefour, deux pompes à essence hors d’age rouillaient devant un motel délabré qui semblait abandonné. Je me suis tout de même arrêté.

 

La salle était déserte. Une serveuse noire, énorme, dormait derrière un bar douteux. Dans le fond, un aquarium plein de terre grouillait de choses noires, peu rassurantes.

 

Je me suis installé le plus loin possible avec ma bière à la main à une table d’où je voyais la route.

 

J’ai entendu son moteur avant de le voir apparaître. La Harley ralenti et vint se ranger sur le parking.

 

Quand il est descendu de l’engin, j’ai vu qu’il lui manquait une jambe. Il déplia deux cannes et s’en aida pour entrer dans le bar.

 

Il vint s’asseoir à la table à coté de la mienne et commanda, lui aussi, une bière ; Il retira son casque et ses lunettes. Ses cheveux noirs tombaient sur ses épaules… mais surtout, il y avait son regard bleu et lumineux, serein et mélancolique…

 

Quand on lui apporta sa boite de bière, il l’a souleva vers moi ; je lui rendis son geste.

 

« French ? » me demanda t il et sans attendre ma réponse, il tapota un écusson étoilé qu’il portait sur la manche de son treillis en me disant fièrement « I’m american »

 

Le silence retomba. Alors bêtement, pour dire quelque chose, je lui ai demandé en désignant sa jambe absente : « viet- nam ? »

 

Il a éclaté de rire en répondant : « not so old, man ! »

 

Pas assez vieux mec…Quel idiot j’étais ? Ce type était trop jeune ; moins de 35 ans peut-être ; il n’était sûrement même pas né en 68….

 

Il bu une gorgée de bière et prononça : « Iraqi »

 

Et à voix encore plus basse : « it’s the same shit. »

 

La même merde…

 

Dans le silence, il broya la canette dans son poing et mit 2 pièces sur la table. Au passage, il posa sa main sur mon épaule et sortit du bar entre ses 2 cannes, grand et large comme une légende.

 

Le bruit de sa Harley décru doucement.

 

Dehors, la chaleur et le silence m’ont sauté au visage. J’ai démarré le moteur et en attendant que la clim rafraîchisse un peu l’habitacle, j’ai allumé la radio.

 

C’était Dylan:  « the times, they are changin’ »

 

Hélas non, man !

 

Last Irokoi © 2008 in « histoires de la vie de tous les jours »

 

EN HOMMAGE A BOB DYLAN

 

 

 

 

 

 

    

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26 octobre 2008 7 26 /10 /octobre /2008 00:00

De ma fenêtre, sur le quai de Boulogne, j’aperçois l’incendie que l’automne allume dans les arbres du parc de Saint Cloud. C’est presque l’hiver et je suis une vieille femme, seule.

 

Personne à qui parler ; alors écrire pour ne pas devenir folle ; écrire ma vie, ma vie déchirée d’un seul coup, brûlée, calcinée comme un parchemin trop sec ; Ecrire ce lundi où tout à basculé.

 

C’était il y a 8 ans ; ce matin là, il ne m’avait pas appelé. Je ne me suis pas inquiétée ; parfois, il ne le pouvait pas…

 

La nouvelle m’est arrivée vers 10 heures. Il avait fait un AVC dans la nuit. Il était en « réa » à Beaujon…

 

Il, c’était lui, l’homme que j’aimais depuis 5 ans sans aucun droit à l’aimer.

Parce qu’il était marié, parce qu’il avait 3 enfants, parce qu’on travaillait au même endroit, dans le même service et qu’il était mon chef…

 

5 ans, 5 ans ou, à l’euphorie des premières semaines où l’on prenait tous les risques, avait succédé au fil des mois une liaison quasiment matrimoniale… Il n’avait jamais été question qu’il divorce et que l’on vive ensemble… Il n’avait jamais parlé de moi à sa femme et nous communiquions clandestinement au téléphone, par mail ou par sms. Nous n’étions jamais parti ensemble en voyage et les nuits où j’ai dormi dans ses bras se comptaient sur une seule main.

 

Une ou deux fois par semaine, on allait chez moi, le soir ou même le midi… c’est tout et cela nous suffisait

 

Il n’était ni particulièrement beau, ni riche ni très intelligent ; mais je l’aimais, oui, je l’aimais, tout simplement.

 

Un temps j’ai pensé avoir un enfant de lui… il n’y était pas opposé et puis on a abandonné l’idée.

 

J’étais bien avec lui… cela aurait duré… longtemps… et puis il y eu ce lundi…

 

Ce lundi qui m’a coupé de lui, isolée, comme le naufragé sur son île voyant couler son navire… lui, mon refuge, mon amour, lui aussi avait sombré…

 

Qui n’a jamais vécu l’attente devant un téléphone, l’écran vide d’un ordinateur qui reste muet ne connaît pas le silence, ne sait pas ce que c’est d’attendre…

 

Les premières semaines, je ne dormais plus, j’étais épuisée… j’ai voulu m’arrêter en maladie mais seule chez moi, bien vite j’ai compris que le seul lien qui me restait avec lui, c’était le bureau. Là seulement je pouvais avoir des nouvelles, voir des collègues qui pouvaient appeler l’hôpital…

 

C’est là que j’ai réalisé que les gens, dans leur grande majorité, sont gentils… tous savaient mais ils ne pouvaient pas m’en parler directement… alors ils annonçaient à forte voix dans le bureau qu’ ils avaient appelé l’hôpital, qu’il allait mieux, qu’il allait s’en sortir…

 

J’ai été lâche, je m’en veux un peu mais peut être aurait il voulu que j’agisse ainsi… j’aurai pu, moi aussi, appeler l’hôpital et même aller le voir… mais rencontrer sa femme, voir ses enfants peut être, c’était, je l’avoue,  au dessus de mes forces. Oui, je ne me vois vraiment pas demander à son épouse, des nouvelles de mon amant.

 

2 ou 3 fois, le samedi soir, j’ai osé … j’ai décroché le téléphone et d’une main tremblante, (d’autant plus tremblante que je venait de boire 3 ou 4 whiskys pour me donner du courage), j’ai composé le numéro de l’hôpital pour raccrocher, le cœur battant, dès qu’une voix répondait.

 

Une seule fois, un soir, j’ai osé… ce devait être un interne, très jeune,presque encore un adolescent… alors j’ai osé, j’ai osé demander de ses nouvelles….

 

Il m’a dit ce que je savais déjà : il ne remarcherai plus jamais, il ne reparlerai pas, non plus, seul son bras droit fonctionnait. Il ne manifestait plus aucun sentiment car son visage était paralysé…en d’autres termes, on ne savait pas s’il avait des sentiments, des souvenirs… mais il était stabilisé, il pouvait vivre ainsi des années. Il rentrerait chez lui dans 3 ou 4 jours…

 

L’ai je seulement remercié ? Je ne sais plus… j’ai raccroché et j’ai fondu en larmes.

 

Il allait rentrer chez lui. Je ne le reverrai plus jamais, il ne pourrait plus jamais me parler, me prendre dans ses bras. Il était vivant mais loin, si loin de moi…se souvenait il encore de moi, de nous ?

 

Cette nuit là, je l’avoue, j’ai failli en finir une fois pour toute avec ma souffrance. Pourquoi ne l’ai je pas fait ? C’était si facile ? Bien plus que de souffrir comme je souffrais… je crains qu’une fois de plus, ma lâcheté ait prit le dessus

 

Les jours, les semaines, les mois ont passé.

 

Ce qui me faisait mal, c’est qu’au bureau, on ne parlait presque plus de lui ; on l’oubliait. Quelque fois, j’ouvrai un dossier et je tombais sur un rapport signé de sa main… je fondais en larme comme je me suis écroulé le jour où je me suis aperçu qu’on l’avait remplacé par une jeune intérimaire.

 

C’est le soir du réveillon de la saint Silvestre que, pour la première fois, j’ai osé passer devant chez lui… peut être, pour être plus proche de lui, ce jour là,  Il habitait dans le XVème arrondissement, au second étage d’un vieil immeuble, face à une petite place, devant un square.

 

Je me suis assise sur un banc, dans la nuit et j’ai fixé cette fenêtre, celle de sa chambre. Il m’avait décrit sa maison une fois et c’était comme si je la connaissais depuis toujours. Je suis resté assise là presque jusqu’à l’aube, bien après que la lumière de la pièce soit éteinte.

 

Je suis revenue, au début une puis deux fois dans la semaine et bientôt tous les soirs. Je regardais sa lumière ; c’était comme si j’étais près de lui, avec lui ; c’est idiot, non ?

 

Plusieurs fois, j’ai vu son épouse sortir à la nuit tombée… même s’il ne m’avait pas montré une photo d’elle, je l’aurais reconnu : elle était rousse comme l’enfer. Pourquoi est ce que j’écris cela? je ne lui en veux pas, je ne lui en ai jamais voulu. En fait, nous étions proche l’une de l’autre ; nous aimions le même homme ; simplement, elle avait eu la chance de le trouver avant moi. A 2 reprises, j’ai aperçu ses 2 fils aussi, 2 adolescents mal poussés qui partaient faire la fête, sûrement.

 

Cela est arrivé un soir comme les autres et pourtant différents des autres. Son épouse a quitté la maison plus tôt que d’habitude. Ou pouvait elle aller ? Ensuite, ce furent ses fils qui sortirent. Il était seul là haut dans la chambre. Là aussi, j’ai été lâche ; j’aurai pu monter et sonner à sa porte… mais comment m’aurait il ouvert? J’étais là à regarder de tout mes yeux sa lumière…

 

C’est alors que cela se produisit… sa lumière se mit à clignoter… lueurs et obscurité se succédant suivant un rythme ordonné ; Eclairs longs et brefs s'alternant…toujours selon la même séquence : court, deux longs, court, un long et deux courts… comme cela pendant peut être un quart d’heure. Et puis la nuit s’imposa dans sa chambre. J’attendis encore une heure… plus rien… alors je suis rentré chez moi… triste et étonnée.

 

Je n’ai pas été surprise lorsque, le lendemain, le directeur en personne m’a appelé. Je m’y attendais inconsciemment. Il m’a donné, lui catholique pratiquant, rigide dans sa morale comme dans sa vie, la plus belle preuve d’amour qu’un homme puisse donné à un autre être humain, à moi, femme entretenant une liaison coupable avec un homme marié.

 

Avec quelles précautions, quelle gentillesse m’a-t-il annoncé ce que je savais déjà, qu’il était mort dans la nuit… avec quelle délicatesse m’a-t-il proposé de venir avec tous les collègues du bureau à son inhumation ? C’était un brave homme… et c’est grâce à lui que cette nuit là, je n’ai pas ouvert le gaz pour en finir avec cette douleur horrible.

 

C’est le lendemain que je me suis effondré dans ma salle de bain. Trop de nuit sans sommeil, trop de repas évités, trop de peine tout simplement. Je suis tombé sur mon carrelage et cela a fait tant de bruit que la concierge s’est inquiétée.

 

J’ai passé presque 3 semaines à l’hôpital et pour ma convalescence je suis parti en Bretagne, chez une lointaine cousine, ma seule famille, près d’Ethel.

 

Elle m’accueillie à bras ouvert et j’ai tenté de me reconstruire dans cette famille ou deux garçons d’une dizaine d’année mettaient une animation tonique.

 

C’est grâce à eux que j’ai su.

 

Un soir, il y avait du bruit et des rires dans leur chambre; j’ai frappé et ils m’ont dit d’entrer. Il faisait noir. Ils jouaient avec des lampes électriques, alternant les éclairs brefs et longs. Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient… ils jouaient à s’envoyer des messages en morse avec leur copains dans la ferme d’à coté.

 

Le cœur battant, j’ai pris la table de transcription qu’ils avaient découpé dans un vieux dictionnaire…

 

Court, deux longs, court, un long et deux courts… Deux lettres, deux simples lettres : WL « with love » : c’était notre code, notre code rien qu’à nous, que nous mettions un peu partout, à la fin de nos sms, de nos mails, sur nos lettres et même sur les « post it » que nous échangions dans nos dossiers…

 

J’ai froid ce soir. Des frissons courent le long de mes jambes et remontent le long de mon corps jusqu’à mon cœur. A tout hasard, avec la lampe électrique qui ne me quitte plus, j’envois vers le ciel, au dessus de la Seine et bien après le parc de Saint Cloud, dans la nuit, nos deux lettres : W.L, W.L, W.L...With love, mon amour…

 

Last irokoi ©2008 in « histoires de la vie de tous les jours »

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22 octobre 2008 3 22 /10 /octobre /2008 22:38

J’arrive pas à dormir… et pourtant il est tard, je sais pas, moi, au moins trois heures mais j’arrive pas. Et mon frère non plus, je l’entends soupirer sans cesse derrière la cloison. Il faut dire qu’aujourd’hui, on fait une grosse bêtise : on a tuer Mickey.

 

Pourtant c’était génial, ce matin. C’était le week end à papa et il nous a emmené à Disney. On est partir hyper tôt. Depuis qu’il est plus avec maman, c’est moi qui monte à coté de lui dans la voiture. J’ai pas tout à fait dix ans mais tant pis. Mon frère qui à un an de moins que moi dit que c’est pas juste.

 

Il faisait chaud dans la voiture et sur l’autoroute, je guettais les panneaux qui indiquent le parc avec le nombre de kilomètres à faire… mais ça passait pas vite. Il y avait plein de monde. Quand on est arrivé, il a fallu faire la queue longtemps au péage ; plein de monde aussi au contrôle des sacs pour les terroristes et aussi pour prendre les billets. (Quand on y va avec maman, c’est mieux, on attend pas car elle les achète à son bureau).

 

Il était déjà tard quand on a passé les tourniquets de l’entrée et la grande rue qui va au château était pleine de bruits et de couleurs et il faisait très chaud.

 

On a commencé par la maison hantée car il y avait pas trop de monde. On commence toujours par là et maintenant je connais par coeur tous les fantômes et les squelettes  me font plus peur. Mon frère aussi dit qu’il a pas peur mais je crois qu’il ment. Après on a voulu faire le train de la mine et là par contre, il fallait beaucoup attendre. Le panneau sous lequel la queue attendait marquait 90 minutes. Sous le toit qui abrite la file, papa transpirait à grosses gouttes. On entendait les gens qui criaient et le bruit des wagons. On a un peu joué avec la console de mon frère mais très vite il a plus  eu de piles. Enfin on a pu monter dans un wagon…

 

Ce qu’est bête, c’est qu’on attend plein de temps et que le tour passe vite. Le seul truc c’est qu’après on peut raconter aux copains qu’on l’a fait.

 

Papa a pas voulu acheter la photo qu’ils prennent automatiquement au passage du train dans la grande descente. Maman elle la prend toujours. Mon frère a un peu pleuré.

 

C’était l’heure de manger. On est allé de l’autre côté du parc, à côté de « space mountain » pour prendre du Mac Do. Là aussi il fallait attendre et ensuite on l’a mangé debout dans la foule. Il y avait  beaucoup de gens avec des chapeaux et des oreilles de Plutôt.

 

Après manger, on a encore attendu presque une heure pour faire « star tour ». Ca, c’est génial, on est assis dans un vaisseau spatial qui bouge vraiment et sur l’écran c’est l’espace et d’autres vaisseaux nous attaquent et nous tirent dessus. Mais là aussi ça dure pas longtemps.

 

En sortant, on est passé devant la boutique où ils vendent plein de choses de la guerre des étoiles. Il y avait des fusils laser blancs comme ceux des soldats du film et papa a bien voulu les acheter. Si on avait su, on aurait rien réclamé.

 

On a marché longtemps ; on avait de plus en plus chaud et il y avait du monde partout, les files étaient de plus en plus longues. On avait même du mal à avancer dans les allées. On a traversé le bateau pirate et on est revenu vers « main street ».

 

A 4 heures, on s’est assis sur un banc. Papa a dit qu’on allait attendre la parade qui passerait dans une demi heure et qu’après, on rentrerait. Il était fatigué.

 

Avec mon frère, debout sur le banc, on jouait avec nos fusils et on tirait sur les gens qui passait. Ca faisait le même bruit que dans le film et un faisceau de lumière orange sortait du canon comme un vrai laser.

 

Au loin, presque sur les marches du château, plein de personnages faisaient des photos avec les gens et signaient des autographes ; au milieu, le plus entouré, c’était Mickey. Je ne sais pas qui le premier l’a visé. On a tiré et Mickey s’est écroulé.

 

Il est resté sans bouger, par terre , longtemps. Je crois que les gens autour pensaient que c’était une farce car ils ont pas réagi tout de suite. Et puis certains se sont penchés sur lui et des employés sont venus. Ils ont fait reculer tout le monde et avec leurs grands manteaux, ils ont empêché qu’on le voit.

 

Papa dormait sur le banc ; il a rien vu mais nous on était drôlement embêté ; Surtout qu’un médecin est arrivé avec sa valise noire et il faisait « non » avec la tête.

 

Quand ils l’ont emmené sur une civière, à un moment, les manteaux se sont écartés et moi j ai bien vu qu’il était complètement recouvert avec un drap comme les morts dans les feuilletons américains.

 

J’avais peur que quelqu’un nous ai vu tirer et j'ai fais signe à mon frère de rien dire et de cacher les fusils. Mais non ,la parade arrivait et personne avait vu qu’on avait tuer Mickey.

 

Après, on est vite parti. Dans la voiture, personne disait rien. Papa était triste. Il nous a vite déposé en bas de la maison comme il fait tout le temps.

 

Pareil, à table, on a presque rien dit et presque rien mangé. Maman s’en ai pas aperçu ; elle aussi avait l’air triste et fatiguée. On s’est vite couché

 

Je me demande quand ils vont venir nous arrêter car avec l’enquête sûr qu’ils vont nous retrouver. On a mit les fusils dans le coffre de l’entrée…

 

Cela me fait un peu drôle d’aller en prison, d’être enfermé surtout qu’on l’a pas fait exprès et surtout qu’en fait c’est pas vraiment Mickey qu’on a tué : c’est des comédiens dans les costumes. Peut être qu’il faisait seulement semblant d’être mort ?

 

Il fait de plus en plus chaud et il y a plein d’éclairs dans le ciel. Maman aussi dort mal ; je l’entends qui tourne dans son lit.

 

Soudain, je pense qu’après demain, il y a contrôle de math. S’ils m’arrêtent demain, je le ferai pas.

 

Il y a eu un grand éclairs et juste après, un gros coup de tonnerre. Le vent a fait voler les rideaux et la pluie s’est mise à tomber, très fort.

 

Moi aussi je me suis retourné dans mon lit, baigné par la fraîcheur qui arrivait de la fenêtre et peu à peu, j’ai senti que je m’endormais…

 

Quand je serai en prison, papa et maman viendront me voir. En attendant leur tour pour le parloir, ils auront le temps de reparler ensemble… alors, peut être que tout redeviendra comme avant, comme quand ils étaient ensemble… même si papy, l’autre fois, a dit à table, devant nous,que c’était impossible, qu’ils se remettraient jamais tous les deux.

Impossible ? Qu’est ce qui est impossible ? Moi et mon frère, aujourd hui, on a bien tuer un faux Mickey avec un faux fusils laser.

 

Ca y est: je dors….

 

Last Irokoi ©2008 in « histoires de la vie de tous les jours »

 

 

 

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